Avec ou sans fers, telle est la question.
En collaboration avec Magali Gagnon de Kinéhorse.
tout est une question holistique
Avant de vouloir déferrer son cheval, il faut impérativement se demander ce que l’on veut faire avec lui. Déferrer est juste une étape, il faudra ensuite prendre soin de ce nouveau pied nu et le stimuler pour qu’il puisse être fort et sans contrainte pour le cheval. Le milieu de vie du cheval est alors capital. En effet, il est nécessaire de se demander ce que l’on veut faire avec le cheval car il faudra stimuler son pied en fonction de son utilisation et des sols sur lequel le cheval devra évoluer. C’est le concept du fameux Paddock Paradise. Par conséquent, un cheval qui est destiné à faire de la balade dans une région rocheuse devrait avoir des sentiers de roches dans son paddock afin de préparer son pied aux contraintes extérieures.
Le pareur Xavier Méal dit même que pour lui, le parage est une approche holistique. Il faut donc prendre en compte tous les aspects de la vie de votre cheval (milieu de vie, système de détention, alimentation, capacité de mouvement quotidienne). Le message est simple : le parage uniquement ne suffit pas. Il faut une excellente compréhension de l’environnement de son cheval, de son alimentation et une gestion optimale du mouvement pour avoir de bons pieds et assure de bonnes performances sportives.
Car, le parage ou le ferrage ne sont pas les seuls à pouvoir être incriminés dans les problèmes de pied.
Une alimentation déficitaire est aussi une cause de problèmes de pied.
Ensuite, la qualité des sols (de la piste) sur laquelle évolue le cheval a une importance capitale. Un sol de mauvaise qualité risque de causer des lésions ostéopathiques mais aussi tendineuses ou ligamentaires.
Une étude menée par le CIRALE avec des fers dynamométriques 3D (fers à capteurs de pression) a mis en lumière de fortes différences Durant cette étude, ils ont mesuré les décélérations verticales, ce sont les chocs lors de l’impact au sol. L’étude a montré une grande variabilité de pressions en fonction du sol et de sa souplesse. Elle a aussi prouvé que le sol avait une forte influence sur la capacité de propulsion du cheval.
BOUGER, BOUGER ET ENCORE BOUGER
Déferrer sous-entend aussi donner du mouvement.
Au minimum, le cheval devrait faire 8 km par jour pour avoir des pieds sains. Idéalement même 16 !
On s’entend que le cheval qui vient dans un petit parc en sable ne pourra jamais atteindre cet objectif. Pour se rapprocher du but, il est nécessaire de mettre en place une gestion différente. Sans aménager forcément un Paddock Paradise, commencer par éloigner l’eau du foin est une bonne idée. Avoir des chevaux en troupeau stimule également le mouvement. En plus d’être bénéfique pour les pieds, ceci est bénéfique pour le moral du cheval. Un cheval dans un paddock de 12 pieds par 12 pieds effectue moins de 4 km par jour s’il est monté tout les jours (séance de 40 minutes). Il faut noter encore que des études comparatives ont été faites par l’université Hampton (Australie). Son équipe a comparé la distance parcourue par un troupeau en Paddock Paradise et par un groupe dans un grand paddock ouvert. Il s’est avéré que les deux groupes parcouraient la même distance. Hampton a également comparé avec un groupe de chevaux sauvages et ce groupe, quant à lui, parcourait environ 18 km par jour.
S’ADAPTER AUX PATHOLOGIES EXISTANTES
Le pied fourbu devra être passé sur un sol dur progressivement. Les premiers mois seront uniquement sur sol mou pour respecter l’intégrité des structures internes. Certains défauts de conformation (non corrigés à la naissance) seront difficiles à corriger et certains ne sont tous simplement pas corrigeables. Il faut savoir que pour le moment (étude en cours en Angleterre), nous n’avons aucune vraie donnée qui mette en lumière la différence de récupération, dans le cadre de pathologie grave et invalidante, entre un cheval traité traditionnellement avec une ferrure orthopédique et un cheval traité au parage naturel. Toutefois, plusieurs professionnels et propriétaires rapportent des améliorations spectaculaires et des guérisons avec un traitement par parage naturel et augmentation du mouvement (étude Perrin pour voir les données). Alors que la médecine traditionnelle préconise plutôt un ferrage orthopédique et une limitation du mouvement en cas de boiterie.
Ce que les études disent
D’abord, il faut comprendre qu’un fer classique (je ne parle pas de fer en composite ou encore de fer en aluminium) pèse pratiquement le poids du pied seul. Donc un pied ferré pèse le double de son poids. Ceci a pour effet d’augmenter l’inertie. Donc le membre perd de sa capacité de mouvement et d’adaptation dans le mouvement. On peut en déduire que, dans une certaine limite, le membre manquera de vitesse d’exécution. Le poids du fer aura aussi un impact sur la capacité du cheval a lever correctement son membre. Les allures sont donc plus rasantes chez le cheval ferré que naturel.
Ensuite, la présence du fer diminue la capacité d’expansion du pied à l’appui. En mouvement, quand le cheval dépose le pied et met son poids dessus, ceci provoque une dilatation de la boite cornée. A l’inverse, quand le pied quitte le sol, la boîte cornée se contracte. Ce phénomène permet la perfusion du pied (apport de sang) et le retour veineux vers le cœur. Une perte de capacité d’expansion suggère donc une mauvaise circulation sanguine dans le pied mais aussi dans toute la jambe.
En effet, comme nous l’avons vu en parlant de l’anatomie du pied, l’impact meurt dans le pied. Il est absorbé par le mécanisme d’amortissement et ne doit pas remonter le long de la jambe. Ce mécanisme dépend de l’effet de dilatation et de contraction de la corne. Après la pose d’un fer, ce mécanisme est contrarié. Lorsque le cheval est en mouvement, dans une allure rapide, la pression exercée peut faire 2.5 fois supérieure au poids du cheval. Donc au galop, un cheval de taille moyenne, exerce une pression d’environ 1125 kg sur ces pieds (2480 lbs).
D’un point de vue hémodynamique, le fer restreint la contraction des quartiers durant la phase de suspension. Par conséquent, le retour veineux sera contrarié. Toutefois, un bon ferrage, devrait quand même permettre aux talons de s’écarter.
Le flux hémodynamique étant responsable, en partie, de la gestion des impacts, la présence du fer et son influence auront aussi des conséquences au niveau de la gestion des impacts. En effet, des études mesurant les impacts sur les pieds ont montré que le cheval ferré gérait moins bien ceux-ci. Les vibrations le long du membre ont été bien plus importantes sur les chevaux ferrés. On peut donc en déduire que l’impact remonte le long de la jambe à la place d’être absorbé par les structures internes du pied.
En 1975, des scientifiques ont constaté une amplification des charges sur le pied ferré. Plus tard, en 1999, une étude a démontré que l’application d’un fer augmentait la pression sur l’articulation interphalangienne distale (donc l’articulation entre P2 et P3). Ceci serait dû simplement à l’élévation du pied suite à la pose du fer. Mais voilà, cette augmentation de pression pose des problèmes car elle provoque une usure prématurée de cette articulation. Plus tard, une autre étude menée en France explique que lorsque la corne pousse, la présence du fer crée une pression plus importante sur cette même articulation.
Pour démontrer les contraintes exercées sur les phalanges, les scientifiques ont utilisé le principe du stress de Von Mises. Le stress de Von Mises est une mesure qui détermine le degré de résistance en biomécanique (capacité d’élasticité d’une matière et sa limite de rupture). Cette unité permet de quantifier la résistance aux contraintes. Il va permettre de prédire la rupture. Donc la blessure. Dans le cas qui nous intéresse, le stress de Von Mises a été utilisé pour déterminer les contraintes exercées sur les phalanges en mouvement. Il a été mis en évidence une amplification du stress osseux et des contraintes exercées sur les phalanges chez le pied ferré. (Étude de 2016).
En 2015, les chercheurs ont mis en lumière la corrélation entre le ferrage et les lésions du ligament suspenseur du boulet (le responsable de la descente de boulet). On peut donc en déduire que le ferrage tente à solliciter plus les tendons et les ligaments.
Une étude très sérieuse a été effectuée en 2016. Les chercheurs ont commencé par examiner la locomotion (sur tapis de course) pieds nus et ensuite après la pose d’un fer. Le premier élément qui en est ressorti est que la matière du fer a une grande influence sur les impacts biomécaniques. Ils ont pu mettre en lumière une force de réaction lors des impacts au sol plus importante chez le cheval ferré (donc un impact qui remonte le long de la jambe). Ce phénomène est majoritairement dû au fait que le coussinet plantaire ne peut plus jouer son rôle chez le cheval ferré. En effet, étant donné que la fourchette ne touche plus au sol, elle ne peut plus transmettre l’énergie au coussinet plantaire.
Dans les années 1970, la (très controversée) Dre. Strasser a entamé des études sur les pieds des chevaux. Selon elle, les chevaux parés semblaient avoir moins de problèmes de santé que les chevaux ferrés qu’elle examinait. Ceci s’expliquerait par une meilleure circulation sanguine notamment.
Pourtant, toutes ces études, ont également prouvé que le fer protège d’une usure excessive et pouvait même augmenter les performances dans certains cas. Malheureusement, il a aussi un impact négatif sur la biomécanique du pied. Il provoque des atteintes tendineuses, ligamentaires et osseuses.
EN CONCLUSION
Ceci étant dit, peut-on être pieds nus et performants ? Est-ce que le parage est compatible avec une équitation de de haut niveau ? Plusieurs grands cavaliers ont tenté le coup. Luca Maria Moneta, cavalier international de CSO, est passé aux pieds nus., avec succès. Michel Robert milite aussi pour le pied nu. Depuis, plusieurs autres ont passé le cap.
De votre côté, vous pouvez commencer par évaluer la locomotion de votre cheval pour savoir si l’état de ses pieds lui convient. La première chose qui est observable est la symétrie du trot. En effet, un cheval mal aux pieds montrera une légère dissymétrie.
Il est important de regarder votre cheval évoluer en longe. Cela va vous permettre d’évaluer la cadence de ses allures et la qualité de son rebond. La cadence est le nombre de foulées effectuées sur une minute. Pas besoin d’un chronomètre, vous allez tout simplement observer la constance de l’allure. Le rebond est l’amplitude du déplacement vertical. Des pieds en santé permettent une poussée optimale des postérieurs un meilleur équilibre et une meilleure proprioception. Donc cadence régulière et rebond (souplesse).
Bref, il est indéniable que la ferrure pose des problèmes au niveau hémodynamique et au niveau de la gestion des impacts. On parle de mal nécessaire, il me semble que dans ce cas-ci, nous pouvons parler de mal tout court. Même si le ferrage peut soulager le cheval, sur le long terme, la pose du fer engendrera plus de problèmes qu’elle n’en règle. Déferrer semble être une alternative viable, même si le cheval travaille. De plus, il semble que le ferrage puisse être un facteur aggravant de maladie naviculaire ou encore d’encastelure. Toutefois, le déferrage est un processus qui demande un réel investissement de la part du propriétaire, en termes de temps et de gestion quotidienne.